Rédacteur technique ou l'art de la vulgarisation

"Ce que tu fais ne sert à rien, personne ne lit jamais le manuel d'instruction de toute manière!"  Voilà une phrase que tout rédacteur technique a probablement au moins entendu une fois dans sa carrière.

Comprendre et transcrire

Le rôle du rédacteur technique est de retranscrire, dans un langage compréhensible, des concepts qui ont vu le jour dans les cerveaux des ingénieurs. Il est en quelque sorte un trait d’union entre le cerveau de l'ingénieur et celui de l'utilisateur qui, malheureusement, ne parlent pas souvent la même langue.

La première tâche du rédacteur technique est donc de comprendre le produit. C'est la partie technique du travail. C'est seulement ensuite que débute le travail avec les mots. Ainsi, un rédacteur technique ne peut être ni seulement rédacteur, ni seulement technicien. Il faut le bon équilibre entre les deux, car le rédacteur doit être capable de comprendre à la fois l'ingénieur et les besoins de l'utilisateur. Car rien n'est plus frustrant que de se retrouver devant une explication qui embrouille plus qu'elle n'éclaircit. Ce qui signifie souvent que le rédacteur n'avait simplement pas assez bien compris ce qu'il essayait de retranscrire.

Une bonne structure de l'information

De la phrase que tout rédacteur technique a déjà vraisemblablement entendu, la seconde partie est malgré tout assez vrai. Peu de gens prennent le temps de lire un mode d'emploi. Ils ne l'ouvrent que quand ils en ont vraiment besoin. D'où l'importance d'une bonne hiérarchisation de l'information, d'une structure logique et claire qui permettra de trouver rapidement la réponse à la question qu'on se pose. Une bonne table des matières et un bon index sont souvent un bon début.

Au niveau du contenu à proprement parler, le rédacteur doit prendre en compte le public visé, et adapter son vocabulaire en fonction. Ainsi, il pourra faire usage d’un peu de jargon dans un manuel destiné à des techniciens, alors qu’il lui faudra éviter d’en mettre dans celui qui atterrira dans les mains de l’utilisateur final du produit.

Support de publication

Si un fabricant est légalement tenu de fournir des instructions pour son produit, elles sont de plus en plus disponibles en téléchargement sur des sites internet. Les documents sont donc souvent destinés à différents supports, et même différents formats. Le contenu doit être souple, et la documentation technique dans les entreprises de moyenne à grande taille est souvent construite en appliquant le principe DITA, pour Darwin Information Typing Architecture. Le contenu est alors produit sous forme de petites rubriques (topic) d'information, indépendantes (non contextualisées) et typées, qui pourront être utilisées dans plusieurs formats (Web, Print et mobile), et dans plusieurs types de document (guides, spécifications, formations, fiches produits...).

Des textes conditionnels et des métadonnées permettent de sélectionner, personnaliser, et construire du contenu sur la base de ces petites rubriques. Dans ce cas, le rédacteur doit avoir une vision beaucoup plus globale de l’ensemble de la documentation technique à produire. Si ce système rationalise au maximum le travail de rédaction, il ne permet à mon avis que difficilement de produire un contenu autre que massif, et n’invitant que très peu à la lecture.

Ma conception de la rédaction technique

Il n’existe pas réellement de cursus de formation pour devenir rédacteur technique en Suisse. Je le suis devenu presque par accident, me trouvant au bon endroit au bon moment. C’est la combinaison entre une formation de base technique et un goût pour les langues françaises et anglaises qui m’ont fait réorienter ma carrière à un moment charnière de ma vie. Je crois que la capacité de se mettre à la place de l’utilisateur de mes manuels est quelque chose qui apporte réellement un plus. Pour moi, une information juste, claire et concise n’est que la moitié du travail. Elle doit également être bien présentée, et agrémentée d’illustrations.

Ainsi, j’aurai tendance à me considérer comme un « communiquant technique », car la partie graphique du métier est pour moi très importante. Peu importe la qualité des textes s’ils sont présentés sous forme de blocs indigestes. Il ne faut pas oublier que les gens ne vont pas ouvrir mes manuels pour le plaisir. Alors lorsqu’ils le feront, j’aime à penser qu’ils ne seront pas immédiatement rebutés par la forme, et prendront peut-être le temps de parcourir le contenu. On m’a dit un jour que mes manuels étaient agréables à parcourir, et c’est certainement le plus beau compliment que j’aie jamais reçu.    

Article écrit par Stéphane Raynaud, rédacteur technique, Cossonay